Les Plans de paix et le refus Israelien

Depuisles années quatre-vingt-dix s’est développée en Israël une stratégie que l’onpourrait appeler la stratégie des processus. Un processus consiste enl’ouverture de négociations de paix lesquelles sont destinées moins à aboutir àla paix qu’à se développer jusqu’à l’échec attendu, échec dont laresponsabilité doit apparaître comme étant celle des Palestiniens. C’est cettestratégie que l’on retrouve avec les Accords d’Oslo, la Feuille de Route etplus récemment la conférence d’Annapolis.

L’objectifde cette stratégie est simple, la seule paix acceptable par Israël estl’acceptation de ses diktats par les Palestiniens, ce qui implique que la plusgrande partie du territoire palestinien soit non seulement sous contrôleisraélien mais aussi débarrassée de ses habitants palestiniens, objectif ancienque l’on peut faire remonter au Congrès sioniste de 1903 lorsque fut décidé quel’Etat juif serait créé en Palestine. Depuis, la stratégie sioniste puisisraélienne s’est définie autour de cet objectif. Pour Ben Gourion, le plan departage de 1947 n’était qu’une étape imposée par la conjoncture, la victoireisraélienne de 1949 marque une nouvelle étape, la ligne d’armistice, dite laligne verte, correspondant à un accroissement du territoire israélien parrapport au plan de partage, et la victoire de 1967 marque la conquête del’ensemble du territoire palestinien. Restait cependant un problème, laprésence de la population palestinienne, ce qui s’opposait à l’annexion desterritoires conquis. Si Israël a annexé Jérusalem-Est, faisant ainsi de laJérusalem "réunifiée" la capitale éternelle de l’Etat d’Israël, ilétait difficile d’annexer l’ensemble de la Cisjordanie et de Gaza, moins pourdes raisons de droit international que parce qu’une telle annexion, en donnantla nationalité israélienne aux habitants des terres annexées, transformait ladémographie de l’Etat d’Israël et mettait en danger son caractère d’Etat juif.

Aprèsla première Intifada et compte tenude la nécessité pour les Etats-Unis d’avoir le soutien des Etats arabes lors dela première guerre du Golfe, Israël va accepter d’ouvrir des processus denégociations avec les Palestiniens, mais ces processus doivent satisfaire lesconditions rappelées ci-dessus.

D’abordla conférence de Madrid où les Palestiniens ne sont acceptés que comme membresde la délégation jordanienne. Ensuite les Accords d’Oslo qui vont apparaîtrecomme la première ouverture vers la paix, mais de quoi s’agit-il ? Loin d’êtrela reconnaissance de deux Etats, l’israélien et le palestinien, tel que leproposait Arafat au Congrès National Palestinien de 1988 à Alger, les Accordsd’Oslo marquaient la reconnaissance de l’Etat d’Israël par les Palestiniens etla reconnaissance de l’OLP comme interlocuteur d’Israël comme le montre lacorrespondance échangée par Arafat et Rabin à la veille de la mascarade deWashington. En outre ces Accords posaient de nombreuses contraintes pour lesPalestiniens tout en laissant libres les Israéliens. Peu après se mettait enplace l’Autorité Palestinienne et la division du territoire palestinien(Cisjordanie et Gaza) en trois zones, l’une sous l’autorité de l’AP, la secondepartagée entre Israël et l’AP, la sécurité étant assurée par Israël, latroisième restant sous l’autorité israélienne. La solution définitive devaitavoir lieu dans les cinq ans, soit en 1998. On sait ce qu’il en est advenu. Passeulement l’assassinat de Rabin, mais la progressive remise en cause desAccords jusqu’à la rencontre de Camp David de 2000 qui marquait leur échec.Pour comprendre la situation, il faut prendre en compte le fait que lacolonisation continuait, y compris lorsque Rabin était Premier Ministre, ilfaut aussi prendre en compte le fait que le contrôle économique israélien surle territoire palestinien a augmenté ce qui a entraîné une dégradationéconomique des Palestiniens. Enfin ce fut la réunion de Camp David, malpréparée, mais il est vrai que l’objectif était soit d’amener Arafat à accepterles exigences israéliennes, soit de renvoyer la responsabilité d’un échec àArafat, ce qui fut fait. 

Lasituation ne pouvait que se tendre, les Palestiniens ne voyant aucune issue àl’occupation. Ce fut la visite de Sharon sur l’Esplanade des Mosquées quiallait déclencher la seconde Intifada, visite préparée avec le soutien de lamachine politico-militaire israélienne puisque Sharon était encadré par millepoliciers. La conférence de Taba qui a suivi, juste avant les électionsisraéliennes remportées pas Sharon, n’était qu’une façon de montrerl’impossibilité de discuter avec les Palestiniens.

Pourle gouvernement israélien, les Palestiniens redevenaient l’ennemi à abattre etl’occupation se durcissait. Arafat, enfermé dans la Muqata, était somméd’arrêter l’Intifada, et l’armée se livrait à la destruction systématique dutissu social palestinien. Pendant ce temps, la colonisation se poursuivait,grignotant de plus en plus de territoire palestinien.

Celan’empêchait pas la "communauté internationale" de jouer à la paix eninventant un nouveau processus, la Feuillede Route, animée par les Etats-Unis, l’Union Européenne, la Russie etl’ONU, un nouveau processus qui devait aboutir à la mise en place d’un Etatpalestinien en 2005. Mais les conditions étaient toujours les mêmes. LesPalestiniens, au nom de la sécurité, devaient mettre fin à la résistance contrel’occupation, proposition insupportable alors que la répression se renforçait.En contrepartie, l’Etat d’Israël devait geler la colonisation, ce qu’il ne fità aucun moment sachant que les responsables de la Feuille de Route ne lui en tiendraient pas rigueur. Donc rien deneuf, l’occupation continuait et la solution restait un objectif lointain.

C’estdans ce contexte que le Premier Ministre israélien lança une vieille idée, leretrait israélien de Gaza. L’idée est ancienne, Rabin y pensait déjà devant lacharge que représentait l’occupation de Gaza. Toute la question était de fairepasser ce retrait pour un pas en avant vers la paix, ce que sut faire Sharon.Il savait en outre que les quelques opposants ne seraient que des faire-valoir,ce qui fut le cas, sans oublier l’image internationale des soldats expulsantavec humanité les colons récalcitrants. Mais le bénéfice n’était pas quemédiatique. Tant que des colons vivaient à Gaza, il était difficile
de casserl’infrastructure, une fois les colons partis, la destruction systématique deGaza devenait possible.

Gazaest aujourd’hui un territoire encerclé, à l’Est la mer que contrôle lesIsraéliens, au Nord et à l’Ouest la frontière israélienne, au Sud, la frontièreégyptienne aussi fermée que l’israélienne. Israël peut ainsi soumettre Gaza etses habitants à un siège permanent.

Celan’empêche pas les comparses de la Feuille de Route de relancer le processus,ainsi fut la conférence d’Annapolis qui décidait que l’Etat de Palestineverrait le jour à la fin de l’année 2008. Un an après, que s’est-il passé ? Leblocus de Gaza continue et en Cisjordanie la colonisation continue.

Maisque serait un Etat palestinien ? La Cisjordanie est découpée en morceaux,d’abord le Mur qui empiète sur le territoire palestinien comme pour mieuxmarquer ce qui doit revenir à Israël, ensuite les colonies reliées par des routesinterdites aux Palestiniens qui séparent des petits morceaux de territoirespalestiniens, enfin la vallée du Jourdain qui reste un endroit stratégique pourIsraël et d’où les Palestiniens sont peu à peu chassés. Sans oublier ladivision Cisjordanie-Gaza, liée à la rupture FATAH-HAMAS.

C’estalors que l’on reparle d’un ancien plan de paix proposé par le roi d’ArabieSaoudite en 2002. Les Etats arabes sont prêts à faire la paix avec Israël àcondition que celui-ci se retire que la ligne verte, la frontière d’avant laguerre de 1967. C’est reprendre la proposition de Yasser Arafat de 1988qu’Israël n’a jamais voulu prendre en considération. Vingt ans après, ce plana-t-il encore un sens ? Cela devrait commencer par l’évacuation des territoiresoccupés en 1967 et par conséquent le démantèlement des colonies de Cisjordanie(environ 500.000 habitants). Mais ce qui aurait pu être accepté il y a vingtans par les Palestiniens est-il encore acceptable aujourd’hui, on n’y parle pasdu retour des réfugiés. Mahmoud Abbas, qui semble n’avoir rien compris, ouvreaujourd’hui une grande opération publicitaire, faire connaître, par desplacards de publicité dans la presse israélienne, le plan saoudien ; comme sila négociation était une affaire de publicité. Peut-être un processus de plus !

 

Depuisqu’il a été élu président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas a joué lescompromis avec les Israéliens, s’imaginant que cela lui permettrait de gagnerquelques avantages pour les Palestiniens. Jusqu’à aujourd’hui, il n’a rienobtenu et ne semble pas avoir compris qu’un compromis n’est acceptable que s’ilrapporte aux deux parties. Les Israéliens n’ont rien cédé et continuent àgrignoter le terrain par l’extension des colonies. Dans ces conditions quesignifie un plan de paix, que signifient même des négociations ?

Ilfaut alors comprendre que ce qui pose problème, c’est le projet sioniste defaire de la terre palestinienne un Etat juif, purement juif. Tant quel’idéologie sioniste marquera la politique israélienne, il n’y aura pas de paixautre que celle proposée par le sionisme, c’est-à-dire l’acceptation par lesPalestiniens d’abandonner leur terre. C’est l’idéologie sioniste qui constituel’obstacle à la paix, qui s’oppose à la possibilité pour tous les habitants de laterre palestinienne de vivre ensemble à égalité. 

 

remarquesur les colons

 

Aujourd’huise développent des tensions entre l’armée israélienne et les colons comme onpeut le voir à Hébron. Comme cela s’est passé au moment du retrait de Gaza,l’intervention de l’armée israélienne contre les colons permet de faireillusion. La contestation des colons contre la politique du gouvernementisraélien laisse entendre que le gouvernement s’oppose aux opposants à la paix.Qu’en est-il ? La colonisation est une politique d’Etat et s’il y a desdébordements, ceux-ci sont la conséquence d’une politique. La colonisationparticipe de la conquête du territoire palestinien et de la volonté de fairepartir le maximum de Palestiniens. Les colons ne sont que les soldats de cetteconquête et si des conflits éclatent entre les colons et l’armée ces conflitsne remettent pas en cause la politique générale. La question reste, pourl’Etat, de garder le contrôle se sa politique et, si cela est utile, de montrerune belle image de partisan de la paix comme a su le faire Sharon avec leretrait de Gaza.

Autrepoint, ces conflits permettent de renvoyer la responsabilité de la violencecontre les Palestiniens à ceux que l’on appelle les extrémistes religieux. Enfait il s’agit plus de l’instrumentalisation du religieux par le politique quede soumission de la politique au religieux. Cette instrumentalisation dureligieux occulte le fait que les colons ne sont pas tous des extrémistesreligieux, loin s’en faut. Pour développer la colonisation, les diversgouvernements israéliens ont donné des facilités d’installation dans lescolonies, en particulier aux immigrants juifs arrivant en Israël. Mais il estbon, pour des raisons d’image, de rejeter la violence sur ceux qui n’ont faitque suivre la politique de l’Etat, ce qui a conduit à  distinguer, parmi les colonies, celles quisont légales parce que sous la direction du gouvernement et celle qui sontillégales parce qu’elles viendraient de la seule initiative des colons ; unefaçon d’occulter la caractère illégal de la colonisation d’Etat au regard dudroit international.

 

RudolfBkouche

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